Qui sont les Cagots ?
Cette introduction synthétique se base sur des citations tirées de l'ouvrage, paru en 1847, de FRANCISQUE Michel. Histoire des races
maudites de la France et de l'Espagne. Tome 1er. Editions des
régionalismes, 2016.
Nous vous invitons à vous y référez pour plus d'informations.
Introduction synthétique
« Demandez, par exemple ,
dans le nord, dans le centre de notre pays, et mêmes aux portes des
Pyrénées ce que c'est que le Cagot de ces montagnes et votre
interlocuteur, quelque éclairé d'ailleurs qu'il puisse être , vous
donnera d'après Ramond, une définition qui se rapportera à un être
infirme au physique comme au moral, et non à ces « hommes à
taille élevée, d'une constitution sèche, musclés, à crâne bien
développé, nez long et saillant, traits fortement dessinés,
cheveux pressés et châtains »., tels que le docteur Guyon
décrit les Cagots. C'est donc bien à tort que l'on les confond avec
les goitreux et les crétins. »
« Sous l'empire de pareilles
idées, doit-on être surpris de voir planer sur eux les imputations
les plus calomnieuses, les soupçons les plus flétrissants ?
Ils étaient sorciers, magiciens ; ils rependaient une odeur
infecte, surtout pendant les grandes chaleurs ; leurs oreilles
étaient sans lobe, comme celle des lépreux ; quand le vent du
midi soufflait, leurs lèvres, leurs glandes jugulaires et la patte
de canard qu'ils avaient empreinte sous l’aisselle gauche, se
gonflaient ; et mille autres accusations tout aussi fondées.
Ainsi les vieilles légendes, auxquelles le peuple, ajoute encore foi
aujourd'hui, nous représentent les Cagots comme enclin à la luxure
et à la colère ; comme avides, hautains, orgueilleux,
susceptibles et surtout pleins de prétentions. Une ancienne
tradition, dont nous ne garantissons plus l'authenticité, nous
assure que lorsque la dénomination de Cagot était donnée à
quelques membres de cette caste flétrie par l'opinion, il avait le
droit, par devant la justice du temps, d 'exiger une
réparation ; mais il ne pouvait la recevoir qu'à la condition
de porter un pied de canard sur l'épaule. Ce qu'il y a de certain,
c'est que jusqu'à la fin du XVIIème siècle, les Cagots pyrénéens,
les Gahets gascons et les Caqueux de la Bretagne étaient astreints
par la législation alors en vigueur à porter une marque
distinctive, appelée pied d'oie ou de canard dans les arrêts des
parlements de Navarre et de Bordeaux. »
«Les Cagots (Cascigothi) du Béarn,
restes des anciens goths , sont séparés, par le quartier
qu'ils habitent et par leurs mœurs, de la masse des indigènes, avec
lesquels ils n'ont absolument aucun commerce, et qui croirait se
déshonorer en s’alliant par mariage avec eux. Jadis ils imposèrent
aux Béarnais la plus dure servitude, et ce fut en récompense des
longs et courageux efforts qu'elle fit pour la secouer, que la
noblesse obtint autrefois la plus grande et la meilleure part des
biens du clergé et des moines, laissant seulement aux curés le
droit d 'en prélever la dîme pour leur subsistance : ce
qui fait qu'aujourd'hui encore les hommes nobles se laissent à ce
titre donner le nom d'abbés. Le souvenir de la cruelle domination
des Goths ne se retrouve pas seulement dans des monuments anciens ;
il vit encore dans le cœur des Béarnais, il s'y révèle par un
penchant inné à l'indépendance, si bien qu'allant fort au delà
d'une juste liberté, ceux d'entre eux qui arrivent au gouvernement
de leur pays, sous le prétexte de ne pas laisser perdre leurs
droits, attaquent tyranniquement le droit d'autrui. »
« M. de Marchangy n'hésite pas à
attribuer aux Goths l'origine des Cagots : « Nul doute,
dit-il, que ces infortunés ne soient les descendants abâtardis et
dégénérés de ces peuples barbares, qui dans les premiers siècles,
vinrent s'écouler et se perdre dans l'occident. On a quelque raison
de croire, par exemple que les Colibert du pays d'Aunis sont des
Ariens vaincus et dispersés sous l'épée des rois mérovingiens, et
qu'on désignait plus particulièrement sous le nom de Taïfaliens...
Les Gesitains de la Bresse
sont vraisemblablement des Sarrasins, et les mœurs qu'ils ont
conservés ne permettent pas de les méconnaître ; les Cagots
du Bigorre et du Béarn semblent tirer leur origine des Goths dont
Clovis abattit la puissance... » Plus loin, M. de Marchangy dit
que les Cagots, s'alliant toujours entre eux, sentirent leur sang se
vicier et se corrompre par degrés, et qu'à la longue ils donnèrent
naissance aux crétins et aux goitreux. »
«
Jusque-là, personne n'avait eu l'idée de faire venir des Cagots des
Celtes ; elle naquit dans la tête de M.Hasselt, auteur de
l'article consacré aux premiers dans la grande encyclopédie
allemande, article (disons-le en passant) rempli des erreurs les plus
grossières ; mais elle trouvera bientôt un contradicteur dans
un autre Allemand, le docteur Diffenbach, qui la combat dans son
Essai d'une histoire généalogique des Celtes, où pour être moins
nombreuses que dans le morceau cité plus haut, les erreurs ne
manquent pas relativement aux Cagots. »
« Enfin,
dans le même temps que nous étudiions la question dont nous
espérons donner la solution dans ce livre, un autre auteur s'en
occupait également et présentait à l'Académie des sciences de
Paris une note qu'un journal analyse en ces termes :
« L'académie a entendu la lecture d'une note de M. Guyon sur
les Cagots des Pyrénées, dont il n'avait pu être fait lecture dans
l'avant-dernière séance. Les Cagots ont été confondus par
plusieurs, avec les crétins, et cette erreur tient à une cause que
M. Guyon prend soin d'indiquer. Il s'en faut de beaucoup que tous les
Cagots soient crétins, et même ceux qui habitent les lieux
sains et bien aérés sont en général d'une constitution robuste et
d'une taille au-dessus de la moyenne. Cependant, même dans ces
lieux, ils ont été, de temps immémorial, et sont encore
aujourd'hui, jusqu'à un certain point, un objet de mépris pour les
autres habitants, qui ne contractèrent guère d'alliances avec
eux. »
« Arrivés
dans ce pays comme des étrangers fugitifs, comme des hérétiques,
ils rencontrèrent peu de bienveillance parmi les populations qui
s 'étaient fixées avant eux dans des cantons : beaucoup
ne trouvèrent à s'établir que dans des localités qui avaient été
dédaignée comme malsaines, dans des vallées humides, favorables au
développement des affections goitreuses, et, par suite, du
crétinisme ; ceux qui se trouvèrent placés dans ces
conditions n'échappèrent pas à leur influence ; il y eut
parmi eux des goitreux, des crétins, et c'est peut-être à cause de
la fréquence du crétinisme chez quelques populations toujours
suspectées d'hérésie, malgré une conversion qui n'avait pas été
bien volontaire peut-être, que les crétins, à quelque race qu'ils
appartiennent, ne sont pas dans les Pyrénées comme ils le sont dans
presque tous les autres cantons de l'Europe, l'objet d'une tendre
commisération. »
« M.
Guyon croit avoir reconnu chez les Cagots un caractère physique
distinctif, qui consisterait dans l'absence du lobule de l'oreille.
Il exprime, d'ailleurs, le regret de n'avoir pu donner plus de temps
à l'étude d'une race qui ne tardera vraisemblablement pas à
s'éteindre ; en effet, les préjugés qui existent contre les
Cagots, bien qu'ils soient encore marqués, tendent à s'effacer, de
sorte qu'il n'y aura bientôt plus rien qui en empêche la fusion avec
les populations environnantes. Beaucoup de ces hommes émigrent pour
l'Amérique, et M. Guyon considère cette tendance à voyager comme
un héritage reçu de leurs ancêtres ; car l'auteur partage
l'opinion déjà soutenue par plusieurs écrivains, qui voient en eux
des descendant des Goths. »
« Mais
l'ouvrage le plus intéressant, dont l'un des héros principaux soit
un Cagot, est l'Andorre, par Elie Berthet. La scène se passe vers
la fin de 1815, et le Cagot qui y figure est un maître de forges de
Vie d'Essor, nommé Bernard Alric. « C'était, dit le
romancier, un grand jeune homme blond, aux formes athlétiques, mais
au teint blanc, au yeux humides, qui témoignait d'une certaine
timidité dans le caractère. Il n' était pas difficile de
reconnaître en lui un de ces descendants des Visigoths dont la race
s'est conservée pure dans les clans du pays-basque, au millieu de
ces populations indigènes qui depuis le moyen-âge lui ont voué une
haine mortelle. »
« Commençons
par déterminer quelles étaient les localités habitées par les
Cagots. En France, où ils se trouvaient en grand nombre, ils étaient
disséminés dans la Basse-Navarre, le Pays-Basque, le Béarn, la
Gascogne, La Guienne, le Bas-Poitou, la Bretagne, et le Maine. ;
en Espagne, ils étaient réunis dans la Haute Navarre et plus
particulièrement dans la Vallée de Baztan, surtout à Arizcun, où
cette race subsiste encore distincte de celle des indigènes, et où
les Agotes occupent un
quartier séparé nommé Bozate. S'ils sont inconnus dans la Biscaye,
il n'en est pas de même pour le Guipuzcoa, où de 1696 à 1776 les
juntes furent plus d'une fois , comme nous le verrons plus
tard, dans le cas de prendre des mesures contre les Agots de la
province, ou contre des individus réputés tels. »